Comme chaque année, le 4 mai, les Pays-Bas honorent la mémoire des victimes de la seconde guerre mondiale et des conflits et missions de paix plus récentes. A 20 heures, tout le pays est silencieux. Pendant 2 minutes, tout s’arrête et la nation rend hommage, dans le silence et l’émotion.
L’édition 2020 de cette cérémonie serait différente, cela était certain. Habituellement, l’hommage national est rendu sur la place du Dam, à quelques centaines de mètres du palais royal (où le souverain n’habite pas) au pied du monument national. Chaque année, c’est une place noire de monde qui vient rendre hommage et la cérémonie est retransmise en direct à la télévision néerlandaise.
En 2020, alors le monde lutte contre une pandémie et que les Pays-Bas appliquent un confinement « intelligent » depuis le 15 mars, ce 4 mai se devait d’innover.
La cérémonie se ferait sans public.
L’émotion était palpable lorsque le roi Willem-Alexander sortit du palais. Lui qui venait, une semaine avant, de fêter son anniversaire et la fête nationale confiné en famille, fit son apparition flanqué de son épouse Maxima et suivi du premier ministre Mark Rutte, de Femke Halsema, la maire d’Amsterdam et de Gerdi Verbeet, présidente du comité national des 4-5 mai. Cette place, d’habitude noire de monde, semblait immensément vide et le temps s’était arrêté.
Le roi et la reine déposèrent leur gerbe, puis ce fut un lourd silence pendant 2 minutes.
Pour la première fois, le roi fit un discours et quel discours ! Les détails étaient nombreux : cheveux longs au vent, les coiffeurs n’ayant pas le droit d’officier… en pur contraste avec la coiffure toujours très laquée de sa mère, l’ancienne reine Beatrix), le Dam vide, une émotion palpable et une voix hésitante lors des premières phrases.
Ce discours, d’une force pure, marquera certainement son règne et fait les gros titres aux Pays-Bas et à l’étranger. Le roi aborda les circonstances exceptionnelles dans lesquelles nous vivons actuellement et où nous avons tous dû sacrifier une part de notre liberté. Il rappela que c’est un choix que nous faisons pour protéger la vie et la santé. Il enchaîna ensuite en rappelant que, lors de la seconde guerre mondiale, ce choix nous fut imposé par un occupant à l’idéologie sans pitié qui a conduit des millions de personnes vers la mort…
Il poursuivit en partageant l’histoire de Jules Schelvis, un survivant de Sobibor qui raconta, lors de la cérémonie 5 ans avant, son trajet vers les camps, la séparation d’avec sa femme et nombres d’atrocités. L’évocation de Jules Schelvis permit au roi de prononcer quelques phrases qui marqueront l’histoire comme :
Ses mots résonnent encore en moi « Des centaines de personnes ont, sans aucune forme de protestation, regardé les trams bondés, passer devant eux, sous surveillance serrée, à travers cette ville, à travers ce pays…
« Sobibor a débuté au Vondelpark avec un panneau « Interdit aux juifs ».
Depuis son discours, le passage suivant fait les grands titres partout :
Une autre réalité existe également, des êtes humains, des concitoyens en détresse se sont sentis abandonnés, insuffisamment écoutés, insuffisamment soutenus, ne serait-ce qu’avec les mots. De Londres aussi, par mon arrière grand-mère même si ferme et féroce dans sa résistance. C’est quelque chose qui ne me quittera pas. »
Par ces mots, le roi néerlandais reconnait que beaucoup se sont sentis abandonnés par la reine de l’époque. Il revient également clairement sur les reproches (encore vifs aujourd’hui) ) à l’égard de la Wilhelmina, qui dans ses allocutions à la radio ne fit que rarement allusion à la persécution des juifs.
Willem-Alexander acheva son discours en citant de nouveau Jules Schelvis, qui revenu de l’enfer, parvint à poursuivre sa vie, en homme libre.
« J’ai toujours gardé ma foi en l’humanité » . S’il a pu le faire, nous en sommes capables également. Nous pouvons le faire, nous le faisons ensemble. Dans la liberté ».
Retrouvez le discours complet de Willem Alexander ici.