La parole est à Vincent Bonnet !

Cette nouvelle rubrique vous donne la parole. Vous avez une expérience à partager, un événement à relater ou à annoncer ou vous souhaitez tout simplement vous présenter ? Cette rubrique est la vôtre ! Le mois dernier la parole était à Sabrina Hegly.

Ce mois-ci la parole est à Vincent Bonnet. Vincent, originaire des Hauts-de-France, a posé ses valises aux Pays-Bas il y a plus de 5 ans. Il est depuis devenu Monsieur Théâtre. Toujours enthousiaste et souriant, c’est un Français des Pays-Bas très apprécié. Ce mois-ci il nous partage son analyse de la ménagerie de verre.

La ménagerie de verre de Tennessee Williams mise en scène, Ivo van Hove

S’il existe un domaine qui établit un lien étroit entre notre pays d’origine et notre pays d’adoption en ce moment, c’est bien le théâtre. Ivo Van Hove, directeur artistique de l’I.T.A (Internationaal Theater Amsterdam) instaure depuis quelques années un trait d’union avec plusieurs théâtres français comme la Comédie-Française et l’Odéon. En mettant en scène La Ménagerie de Verre de Tennessee Williams avec des comédiens français, il nous offre un spectacle dont on ressort ému et convaincu.

Histoire de la pièce

Ecrite en 1944, la pièce s’inscrit dans son époque. Les grandes tragédies avec les familles royales marquées par la malédiction des dieux ou des crises politiques s’effacent pour laisser la place aux héros du quotidien.

Dans La Ménagerie de Verre nous assistons justement au quotidien d’une famille dont le père est parti il y a 12 ans. Son souvenir est omniprésent. On le sait grand buveur et de nature certainement violente. La mère le cite régulièrement et assume les tâches répétitives de la vie de famille en cachant sa douleur. La fille souffre d’un léger handicap et ne peut pas s’empêcher d’y penser. Comme sa mère, elle a du mal à croire à un avenir prometteur. Le fils est beaucoup plus rêveur, amateur de ce nouvel art qu’est le cinéma, il s’inspire des films et aimerait fuir ce quotidien où il ne se passe rien.

Une invitation

Un jour, il décide d’inviter à la maison un de ses collègues de la manufacture où il travaille. Ce collègue se trouve être un ancien camarade de lycée de la fille et elle en était secrètement amoureuse. Alors tout s’emballe, la mère croit que l’amour va peut-être frapper à la porte et avec lui un avenir, un changement pour son enfant.

Toute cette pièce est le souvenir du fils, un moment de sa vie qu’il nous raconte, ce qui explique certainement un décor épuré car peu à peu le temps efface certaines traces.

La touche Ivo van Hove

La mise en scène d’Ivo Van Hove nous invite dans un logement qu’on devine en sous-sol puisqu’on monte les escaliers pour rejoindre la rue. Un logement où l’on se sent certainement bien, comme pour éviter d’en sortir. Les murs sont recouverts de moquette, la même qu’au sol, c’est chaleureux.

Sur cette moquette, on y devine des visages avec leurs regards sur les personnages, notamment celui du père, on sent le poids du passé et du jugement des autres. La cuisine, qu’occupe la mère la plupart du temps, est le point central de l’appartement. Il y trône le réfrigérateur comme un symbole de la société de consommation qui leur rappelle leur pauvreté. Un ventilateur tourne en permanence au plafond. La musique y est omniprésente, en fond sonore, comme pour occuper les silences et éviter de penser. La musique ne s’arrête que lorsque les choses deviennent sérieuses et qu’on aborde le sujet de la future vie amoureuse de la fille, qui aime à fredonner L’Aigle noir de Barbara.

Crédits Céline Dandoy

La musique comme marqueur

L’utilisation de la musique chez Ivo van Hove est toujours très étudiée. Son expérience des comédies musicales (West Side Story de Bernstein, Lazarus de David Bowie) et des opéras (Der Ring des Nibelungen de Wagner ou Don Giovanni de Mozart) nous le prouve. Sa nouvelle pièce Age of Rage fait beaucoup parler d’elle par l’utilisation de la musique heavy-metal. 

Un metteur en scène prisé

Le metteur en scène, remarqué par la France en 2008 au festival d’Avignon pour les Tragédies romaines, a été nommé deux fois pour le Molière du meilleur metteur en scène d’un spectacle de théâtre public. En collaborant avec le théâtre de l’Odéon, il invite une distribution exceptionnelle pour La Ménagerie de Verre.

Ces acteurs magistraux

Le Jeu des acteurs est d’une précision redoutable, d’une justesse impressionnante !

Isabelle Huppert incarne une mère tantôt rêveuse, tantôt résignée. Sa souffrance est cachée mais palpable. Une interprétation magistrale, comme le public s’y attendait. Venue il y a deux ans sur la même scène du Stadsschouwburg d’Amsterdam pour Mary said what she said, elle ne laisse évidemment personne indifférent.

Nahuel Pérez Biscayart, qui a reçu en 2018 le César du meilleur espoir masculin pour son interprétation dans 120 Battements par Minute, joue ce fils rêveur et plein d’énergie. Son jeu est très vivant. Il glisse sur la scène comme l’enthousiasme du personnage glisse sur les problèmes. Un comédien exceptionnel.

Cyril Gueï, qui incarne avec brio le prince charmant inespéré, est formé au conservatoire national de Paris et est un habitué des mises en scènes modernes pour avoir travaillé notamment avec Peter et Irina Brook. Il rend son personnage sympathique, on comprend l’intérêt que tout le monde lui porte. Il joue de manière très touchante et humble un homme qui veut diriger sa vie, qui ne baissera pas les bras devant l’adversité et qui s’intéresse aux autres.

Justine Bachelet, figure montante du théâtre et du cinéma français qu’on a pu voir récemment dans le film Benedetta d’un autre néerlandais, Paul Verhoeven, nous émeut dans le rôle de la fille. Elle joue la fragilité et la douceur du personnage avec une extrême sincérité. Cette fragilité qu’elle projette sur sa collection de petites figurines d’animaux en verre. Une collection qu’elle garde comme un trésor et qu’elle ne veut pas casser : sa ménagerie de verre.

Un très grand moment de théâtre ! Un metteur en scène et une distribution d’exception pour servir un des plus beaux textes de Tennessee Williams.

La parole est à ? VOUS !

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