Le 17 mars s’est tenue aux Pays-Bas une élection législative sous haute tension. La situation, en pleine pandémie, interrogeait. Le scrutin pourrait-il se tenir sans mettre en danger la population ? Le pays, en proie à plusieurs crises graves, politiques et sociales, semblait en outre à la croisée des chemins. Certains candidats, notamment l’extrême-droite, souhaitaient faire de scrutin un référendum Rutte oui ou non.
Mark Rutte en danger ? Que nenni !
Le premier ministre sortant, Mark Rutte n’est pas appelé Mister Téflon par hasard, il résiste à tout et ce scrutin confirme sa résistance ! Lui, qui avait été obligé de remettre la démission de son gouvernement en raison d’un incroyable scandale de prestations familiales, sort vainqueur du scrutin. L’élection du 17 mars est en réalité un véritable succès pour Rutte. Celui-ci engrange sa 4e victoire de suite dans de telles élections.
Le second grand vainqueur : la participation !
Alors que le vote n’est pas obligatoire aux Pays-Bas, ce scrutin a mobilisé presque 83% des électeurs ! Ce chiffre incroyable (mais pas inhabituel ici) s’explique notamment par les facilités de vote proposées.
Des législatives en pleine pandémie, geen probleem
Ce scrutin pourrait-il se faire ? Cette question était au centre des préoccupations. Dès lors, certaines décisions fortes avaient été prises. Habituellement sur une journée (le mercredi), le scrutin s’étalait sur 3 jours pour permettre aux plus fragiles de voter le lundi et le mardi. Le vote par correspondance fut également mis en place pour les électeurs plus âgés. Ce mode de scrutin a toutefois engendré de nombreux problèmes qui ont été résolus avec un pragmatisme très batave qui étonnera certainement beaucoup en France.
Le confinement : une bonne excuse pour aller voter !
Les Pays-Bas sont toujours en pleine pandémie. Les cafés, restaurants et magasins (sauf sur rendez-vous) sont toujours fermés. Les électeurs ont donc fait de ce scrutin une occasion de sortie. Ils s’y sont retrouvés en respectant les mesures de distanciation. Dans le pays, les lieux de vote sont nombreux et parfois inédits et magnifiques. Ceux qui semblaient avoir la cote cette fois sont les salles de concerts, nombreuses furent les publications sur le Concertgebouw d’Amsterdam transformé en bureau !
Quelques données
Les Néerlandais ont, par ce scrutin, validé la gestion de la pandémie.
Les 4 partis de l’actuelle coalition pourraient en fait poursuivre leur travail. Le VVD de Rutte obtient ainsi 35 sièges (+2), le parti D66 obtient 23 sièges (+4). Le CDA 15 (-4) note une importante baisse surtout marquée par la mauvaise campagne de Wopke Hoekstra. Le parti ChristenUnie reste stable à 5 sièges. A noter, les chiffres ne sont pas encore finaux.
Les partis populistes et d’extrême-droite comptabilisent ensemble 28 sièges, le PVV de Geert Wilders étant, avec 17 sièges, le troisième parti du pays. Le Forum voor democratie (extreme-droite anti-mesures Covid) de Thierry Baudet réalise une percée attendue en obtenant 8 sièges.
La gauche et les verts se plantent
Le parti Groenlinks est le grand perdant de ce scrutin en obtenant 8 sièges (-6). La gauche réunie fait très pâle figure. Il semblerait que beaucoup de leurs électeurs aient préféré donner leurs suffrages au parti D66 qui a conduit une très belle campagne sous la houlette de Sigrid Kaag. Le soir des résultats celle-ci semblait vouloir intégrer les idées vertes dans les négociations de formation de gouvernement. L’écologie n’est heureusement depuis longtemps plus l’apanage des verts, l’urgence climatique devrait par contre être la priorité de tous.
Quelques nouveaux partis
On note l’entrée au parlement de plusieurs nouveaux partis dont JA21 (parti issu du FVD de Baudet), Bij1 (antiraciste et mené par la charismatique Sylvana Simons) et Volt (parti pro-et pan-européen) qui obtient 3 sièges. Volt réalise donc une entrée remarquée au parlement et affirme son ambition dans d’autres pays.
Aux Pays-Bas, voter est une fête
Pour celles et ceux qui connaissent le rituel strict et immuable des scrutins français, le vote aux Pays-Bas est une véritable fête de la démocratie. Nous avons déjà parlé des bureaux de vote. Ici, l’électeur ne doit pas voter dans un bureau précis, il peut donc choisir en fonction de son travail ou même voter à la gare ou dans le Vondelpark d’Amsterdam.
Mon expérience
Binationale depuis quelques années, j’éprouve toujours une immense fierté à voter aux Pays-Bas. Prise dans un tourbillon de travail, j’ai pris le temps d’exprimer mon suffrage dans la maison de quartier à deux pas de chez moi. Le processus est toujours fluide. Mon fils est venu avec moi, j’ai présenté ma CNI ce qui n’a posé aucun problème, j’ai eu quelques échanges sympas dans la file d’attente. C’est bien sûr mon fils qui a déposé mon bulletin (de la taille d’une nappe lorsqu’il déplié) dans l’urne (une poubelle bleue). Ici on vote en coloriant en rouge un rond à côté du candidat de son choix.
Cette année, pandémie oblige, le fameux crayon rouge était, dans de nombreuses villes, offert aux électeurs. Le Speld (gorafi local) indiqua même que c’était la principale raison de la participation si élevée, pointant du doigt la réputation des « frugaux ».
Français des Pays-Bas, pouvez-vous voter aux législatives néerlandaises ?
On me pose régulièrement cette question et la réponse est à la fois simple et compliquée. Pour voter aux élections législatives, Il faut obtenir la nationalité néerlandaise. Si obtenir la nationalité néerlandaise est une possibilité qui s’offre à tous, garder son autre nationalité est une possibilité limitée. Je vous partage ici un article que j’ai écrit à l’époque si le fait de devenir binationale.
N’hésitez pas à me contacter à ce sujet !